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Johnny Matlock, Episode 4
Générique
« Espace, l’ultime frontière… Voici les voyageurs du vaisseau spatial Yakitori. Leur mission de cinq ans : explorer de nouveaux mondes, et trouver de nouvelles ressources de wasa-bi et de sushi aux confins de la galaxie… »
Le courrier cosmique
BZZZZ
– Capitaine Matlock ! vous êtes demandé sur le pont principal !
– Maguro, débrouillez-vous : je suis occupé…
BZZZZ
– Capitaine, c’est urgent !
– Quoi, encore, Maguro ?
– Un danger menace le Yakitori, Capitaine ! Votre présence est indispensable !
– Bon OK, j’arrive… Terminé ! Maki relève-toi ! Faut que j’aille bosser…
Après de longues minutes a arpenter les couloirs parsemés de conduits d'énergie wasabique, le Capitaine Johnny Matlock, l'honneur de Starflip et du neo-punk-rock, arrive sur la passerelle principale :
– Lieutenant Maguro, vous avez interrompu ma séance quotidienne de massages Slurpesques : z’avez intérêt à avoir une excellente excuse…
– Un Puits Gravitationnel Supra Discret a tribord ! Il semble être d’un nouveau type : il est tapissé de courrier sur ses bords !
– Du courrier, Maguro ?! dans ce coin de la galaxie ? comment est-ce possible…
– Je ne sais pas… c’est un mystère.
– Oui je sais, mais encore ?
– Un mystère est un mystère, Capitaine.
– Vous pourriez au moins chercher…
– Çà n’est pas dans mon contrat !
– Vous êtes encore officier sur ce tas de ferraille ? oui ou non ?!
– Un contrat est un contrat est un contrat, Capitaine…
Le Capitaine Matlock soupira. Depuis que le Slurp avait été intégré au sein de StarFlip, plus rien n’était comme avant. Il lui prit une furieuse envie de tirer les oreilles de Maguro mais il se rappela au dernier moment que, chez les Ferengis, les oreilles étaient des zones érogènes…
– Poussez-vous, Maguro, je m’en charge…
Le grand Johnny Matlock remonta les manches de son costume en lycra jaune quarante deniers et se mit au travail sur le superfulminateur à fusion tiède du pont principal. Sur l’écran vert du superfulminateur à fusion tiède se dessinaient déjà les contours du Puits, sa forme en bonde d’évier émaillé, son rayonnement aveuglant et, à peine discernables à cette distance, les kilomètres cube de courrier qui jonchaient sa surface intérieure.
Les relevés du superfulminateur étaient formels : le courrier d’une planète entière s’engouffrait lentement dans le Puits tel un fleuve de lave aux portes de Pompéi.
Le Capitaine lâcha le superfulminateur, se recula et fixa l’écran principal avec une mine contrite. L’arrière-grand-oncle de Matlock avait été postier et, tout jeune déjà, le petit Johnny avait reçu de cet aïeul la passion bleue et jaune du courrier bien acheminé. La vision de tant de lettres qui n’iraient jamais illuminer la vie de leur destinataire lui serrait la gorge. Il héla le timonier :
– M. Zulu !
– Oui, Capitaine ?
– Enclenchez le rayon tracteur. Nous allons ramener tout ce courrier vers la civilisation…
Le nouvel officier scientifique du vaisseau jugea alors opportun d’intervenir :
– Capitaine, le champ gravitationnel du Puits est trop important pour notre rayon tracteur !
– M. Clock, suggérez-vous que ce champ soit trop grand pour notre tracteur ?
– En fait, c’est exactement ce que j’ai dit, Capitaine… En effet, la logique nous dicte de laisser ce fleuve épistolaire à son destin tragique et de voguer vers notre noble quête du Wasa-Bi. Le destin de la Terre et de la Fédération Sushite est en jeu…
Johnny Matlock, fort de l’héritage de plusieurs générations de postiers et avant eux de bien plus de générations encore de guitaristes neo-punk-rock affecta une moue amère et fière à la fois, une moue remplie de l’honneur d’éons de Matlock ayant donné leur sang pour le sushi :
– M. Clock, vous êtes un Vulcain, vous n’avez pas d’émotions. Le peuple de la planète Vulcain ne peut comprendre ce que peut ressentir un postier devant ce spectacle : je ne vous en veux donc pas… Ceci dit, exécutez mes ordres !
– Capitaine Matlock. Je suis un Vulcain, j’obéis à la logique… et vos ordres ne sont pas logiques.
– Clock, vous tracterez ce courrier, dans le vaisseau ou en dehors. Votre choix ?
– Tracteur enclenché, Capitaine !
– Pas trop tôt. Enclenchez l’impulsion répulsive a 40 %… M. Zulu, on le tracte maintenant ce foutu courrier ou on attend le printemps ?
– Cap sur coordonnées 1.7.8.2.54.5, rayon tracteur 99,6%, impulsion répulsive 98,7%, c’est parti !
Le vaisseau s’ébranla tout d’un coup. Le rayon tracteur était d’une puissance phénoménale et il aurait pu tracter bien des cargaisons de sushi et encore bien plus de Wasa-Bi. Le fleuve de courrier en fusion frémit, il ralentit son cours inexorable et on put croire, l’espace de quelques spatio-secondes, que la volonté de Johnny Matlock serait faite dans le ciel comme sur Terre… mais c’était sous-estimer le pouvoir de ce torrent sidéral et postal. Sous-estimer le pouvoir de l’élan qu’avaient communiqué chaque auteur à sa missive. Sous-estimer la force cosmique qui poussait tous ces courriers vers le néant phatique : Le Yakitori amorça un lent mouvement vers le Puits honni :
– Zulu ! Qu’est-ce que vous foutez ?! Je vous ai demandé une marche avant ! Vous voulez une notice ?
– Capitaine, l’énergie du Puits est trop grande… Je crois que le flux de courrier ajoute de l’énergie à l’anomalie… Notre sort est scellé…
– Ne me piquez pas mes répliques, Zulu, ou je vous fais bouffer vos dreadlocks ! Bon, Clock, vous avez une idée ? Je crois bien que, cette fois, notre sort est scellé…
– Hmmm, Capitaine, la logique nous dicte de remettre notre destin entre les baguettes du Grand Sushi.
– C’est tout ce que vous dicte votre logique ?
– Vous voulez vraiment le savoir, Capitaine ?
– Non ça ira…
Le grand Capitaine Johnny Matlock s’affala dans son fauteuil de Capitaine et attendit l’inexorable avec la sérénité du za-zen face au yeti hyperactif. Leur sort était scellé…
Le Puits Gravitationnel Supra Discret
Un horrible bruit de succion se fit entendre dans le vaisseau spatial de StarFlip au moment précis où le Puits aspira le Yakitori. Un long rôt grave et cosmique suivit après que le vaisseau eut franchi les portes de l’anomalie. Il n’en fit qu’une bouchée…
Les parois du vaisseau se mirent à onduler, la structure même du temps et de l’espace se modifia. Tous les plans de réalité se mêlaient. Chacun pouvait voir à travers les murs - M. Clock découvrit à cette occasion des détails intéressants de l’anatomie de ses jeunes subordonnées surprises sous leur douche par l’événement inattendu. Il nota mentalement de poursuivre cet examen plus profondément une fois leur survie assurée.
La transparence des parois augmenta encore jusqu'à ce que tout se confonde, tout se mêle, tout s’unisse en un endroit et un moment. M. Clock glissait au milieu du courrier en fusion. Il pouvait toucher, sentir son flux postal puissant brassé par ses doigts palmés. De grands artefacts de formes parallélépipédiques se présentèrent à lui. Des inscriptions étranges sur leurs faces extérieures interpellèrent son esprit logique peu habitué aux coutumes terriennes :
« Courrier en retard 1973 » « Courrier en retard 1971 » « Morue aux fraises 1969 »
Clock entama une de ces analyses mentales qui font la réputation des Vulcains. Il tenta de trouver une corrélation entre le courrier, le retard et la morue aux fraises, le tout flanqué de coefficients qui étaient selon toute probabilité des années terriennes :
Hmm, Voyons… Prenons pour hypothèse que le papier soit fabriqué à partir d’extrait de morue, les fraises pourraient être en retard pour cette année 1970 puisque c’est un fruit de saison ; n’oublions pas la progression arithmétique entre les nombres 1969, 1971 et 1973… Ceci nous donne alors…
Un bruit déformé de voix humaine parvint aux oreilles pointues de Clock :
– Clock ! Ici le Capitaine ! Arrêtez de reluquer les filles et venez sur le pont, on a besoin de vous…
Clock n’entendit cette requête que d’une oreille pointue ; il sentait qu’il allait bientôt arriver à un résultat important :
Il semblerait donc que, tenant compte des ces artefacts comme des messages cryptés à l’attention d’une intelligence supérieure telle que la mienne, l’année 1969 soit déterminante pour le résultat, ainsi que… oui ! le lien entre le courrier et la morue aux fraises, c’est…
À ce moment précis le Yakitori émergea du Puits dans un bruit assourdissant et fut éjecté dans la direction d’une petite planète étrange. En forme de cube, elle était percée de fenêtres sur toutes ses faces et une enseigne clignotante trônait sur un de ses coins :
« Maison du Puits »
Le Yakitori s’écrasa piteusement contre une fenêtre du sixième étage, en plein milieu d’une salle de réunion vide. Le Capitaine sortit lentement par une écoutille, au milieu de la fumée de l’impact, bientôt suivi de Clock et de Soya. Un personnage ressemblant étrangement à Johnny Matlock les regardait d’un air ahuri :
– M’enfin ?!
Ultime Frontière
« Journal du Capitaine Matlock
Nous sommes actuellement dans une merde noire. Aspirés par un puits gravitationnel rempli de courrier en retard, écrasés sur une planète stupide en forme d’immeuble et confrontés à un personnage qui dit s’appeler Gaston et à le culot de me ressembler. Je me demande bien comment nous allons réussir à rentrer chez nous en moins de dix pages.
Je commence à regretter les Klingons… »
– Pourquoi me ressemblez-vous ? Vous n’avez pas le droit !
– M’enfin ! C’est vous qui me ressemblez !
– Je vois que nous sommes devant un problème cosmique ; il me faut l’aide d’un esprit supérieurement capable : Clock !
– Oui Capitaine ?
– Clock, comme vous le voyez, cet individu me ressemble et il prétend que c’est moi qui lui ressemble. Vous avez une solution ?
– Capitaine, vous vous ressemblez, c’est évident !
– Merci M. Clock. Vous m'êtes précieux. Cher sosie, savez-vous où nous nous trouvons ?
– Oahh z’êtes au journal de Spirou ! 'devriez enlever votre autobus sinon Prunelle va s’énerver et c’est encore moi qui vais prendre !
– Capitaine, je crois que nous devrions contacter ce Prunelle…
– M. Clock pourquoi cet individu prend-t-il le Yakitori pour un autobus ?
– Cette civilisation n'a certainement pas encore dépassé l’âge de l’autobus, Capitaine.
– Clock. Ne changez rien.
– Merci Capitaine. Nous devrions peut-être prélever des échantillons pour nos scientifiques : une civilisation de l'âge de l'autobus ne se rencontre pas si souvent...
– Laissez tomber, Clock.
– Oui Capitaine.
– Clock ?
– Capitaine ?
– Je voudrais rentrer chez nous.
– Je crois que la clé du retour se trouve dans le courrier en retard, celui de 1969, particulièrement. Je vais sonder cet autochtone, Capitaine.
– Allez-y. Moi je vais sonder Maki, j'ai besoin de réconfort.
M. Clock sortit son tricordeur et commença à inspecter Gaston :
– Je détecte des traces de morue aux fraises jusqu'au niveau sub-atomique...
– M'enfin ?!
– ... ainsi c'est bien vous le lien que nous recherchons ! Gaston de la planète du Puits, je sollicite votre assistance pour sauver le Yakitori et retourner dans notre plan d'existence : le Grand Sushi et le S.L.U.R.P. en dépendent ! Il nous faut retrouver le flux de courrier cosmique – il devrait se trouver à proximité d'une Fontaine Gravitationnelle Supra Discrète, après son absorption par le puits.
– Meuh ?
– Plein de courrier partout. Un gros tas. En retard - très en retard.
– Ahhh ! Ça doit être chez Jules-de-chez-la-planète-Smith-en-face, on s'échange des stocks de courrier grâce à la mouette.
– La mouette ? Une nouvelle entité subspatiale ?
– Boahhh, mais non ! C'est ma mouette, quoi...
– Je vais en parler au Capitaine, nous avons une piste.
L'attaque du clone
– Lieutenant Zulu, que fait ce crapaud sur le pont ?
– Je ne sais pas, Capitaine, des phénomènes étranges apparaissent depuis que nous sommes dans cette région de l'espace.
– Capitaine, nous nous approchons de la planète Smith !
– Alerte rouge !
– L'alerte rouge ne répond pas, Capitaine, sans doute une perturbation quantique...
– Débrouillez-vous, Maguro, je veux mon alerte ! battez ce crapaud si nécessaire...
– Le crapaud ? Très bien Capitaine.
– Maguro se dirige alors vers le crapaud et, d'un grand coup de pied vertical écrase le pauvre animal :
« CROUIIIIIIIIIIIII »
Clock observait la scène avec attention :
– Ingénieux...
Maguro relèva son pied ; le crapaud s'arrêta ; il recommença :
« CROUIIIIIIIIIIIII »
Il répèta l'opération plusieurs fois.
– Ça suffit, Maguro, ce n'est pas un jeu... Clock ?
– Oui Capitaine.
– Vous croyez qu'on va réussir a terminer cette histoire ?
– Il y a un rebondissement de dernière minute, Capitaine, je vous laisse la surprise.
– Je n'aime pas les surprises.
– Capitaine ! Une onde supra-discrète se dirige vers nous !
– Boucliers au maximum !
– Les boucliers ne répondent pas !
La paroi du pont se mit à onduler, une forme apparut dans le halo et un personnage chevelu avec un gros nez, un col roulé vert et une paire de lunettes noires se dirigea d'un pas mou vers le Capitaine Matlock :
– Gaston ! Que faites-vous là ?
Gaston tendit la main vers Matlock et pénètra sa peau qui se mit à miroiter. Il rentra tout son corps dans celui de Matlock qui hurlait :
– Nooooooooon !!!
L'être informe issu des deux protagonistes s'agita, remua frénétiquement, puis s'immobilisa. Zulu se précipita vers le Capitaine :
– Capitaine ! Ça va ?
– M'enfin ??
– Malédiction, Clock ! Notre Capitaine est possédé par un alien !
– Reprenez votre poste, Zulu, en qualité de premier officier scientifique, je prends les choses en main... Le cap, Capitaine ?
– Euh, faut que j'aille retrouver M'oiselle Jeanne, elle est au 1er étage, au service contentieux...
– Donc : coordonnées 12.3.54.6.22. Compris Monsieur Zulu ?
– Trajectoire Calculée, M. Clock.
– En avant ! Le Sushi nous attend...
Un nouveau Johnny Matlock se tenait dans le siège glorieux du Capitaine du Yakitori : un Matlock à la coupe de cheveux improbable, avec un gros nez et un col roulé sous l'uniforme de StarFlip.
Les voies du Sushi sont insondables...
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