Toi, moi, le cabillaud et les autres

Qu'est-ce qu'un blog ? Le blog est d'abord une moitié de conversation, un dialogue en attente d'interlocuteur. Quand une idée vient, elle s'évapore si on ne la partage pas avec quelqu'un, si on n'établit pas le dialogue dans lequel elle va se nicher et germer. Le blog permet de loger une moitié de discussion, le complémentaire de l'intervention de l'interlocuteur dans le dialogue qui ne s'est pas encore produit. Il permet de donner une chance à des discussions qui sans le blog n'existeraient peut-être jamais et qui pourront prendre ainsi naissance par une éventuelle consultation du blog par un lecteur. Le blog, c'est de l'infini potentiel.
Le lecteur est, en partie, l'auteur de ce qu'il lit et, en partie, l'auteur de l'interaction d'idées qui prend place dans un blog. La moitié d'une discussion attend, tapie au fond du web, dans son blog tout chaud, qu'une autre moitié vienne la rencontrer et que leur union donne naissance à une magnifique polémique, bien vivante et bruyante, aux joues roses et à l'incontinence pardonnable. Parfois cet accouplement rhétorique n'accouche que d'une suite de commentaires, vite faits, vite oubliés. Parfois les blogs se répondent, et copulent outrageusement. Ils peuvent alors avoir une descendance pléthorique, repeupler un coin de web et vont jusqu'à donner à un no-life l'idée insensée qu'il a une life comme tout le monde.
Ce fractionnement d'un processus continu et synchronique permis par la nature à la fois éclatée et connectée du web serait utile dans de nombreux autres cas : au delà de la moitié d'une discussion, on pourrait produire la moitié d'une colère, la moitié d'une tristesse, la moitié d'un regret, la moitié d'une vérité, ou même la moitié de l'amour.
La moitié d'une colère, ce serait jeter sur la page web une révolte et attendre que d'autres réagissent pour lui donner corps. En fait c'est le cas de beaucoup de blogs. De la plupart, à bien y regarder.
La moitié d'une tristesse, ce serait exprimer un moment de chagrin, en attente, seul, et donner l'occasion au lecteur du blog de le partager, de l'apaiser en apportant le sien.
La moitié d'un regret, ce serait suggérer ce regret et, en rencontrant celui que l'autre apporte par son commentaire, en obtenir non pas le double mais la moitié, ou moins.
La moitié d'une vérité, ce serait que chacun apporte sa vérité, de son côté, indépendamment, de très correctes vérités, et que chacune soit réduite à la moitié, ou moins, une fois réunies, connectées.
La moitié de l'amour, enfin, cela pourrait être rassembler tous ses sentiments amoureux retenus, refoulés, oubliés, abandonnés ou mêmes usés par l'attente et les mettre à l'abri du temps et de l'âge dans un blog, douillet et confortable, sûr et fiable et, un jour, rencontrer sur un malentendu un blog qui aurait conservé une autre moitié d'amour, cette rencontre seule leur donnant une réalité car la moitié d'un sentiment ne signifie bien sûr que son absence.


Et le rapport avec le cabillaud ? Aucun.


merci à la rhouillette pour le titre...

1 commentaire:

Unknown a dit…

1 point pour la rouillette !!! ;p