Stories Un Ami Sincère

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I

Pedro rejoignait comme chaque midi ses amis à son restaurant végétarien préféré. Sous la pluie. En poussant la porte du Royal Navet, il pensa à ce qu’il allait commander aujourd’hui. Steak de soja, soupe de carottes ou rôti de courgettes ?
Un parfum de légumes bouillis et de sauces basses calories hantait l’espace, s’enroulait autour des vieilles boiseries pastel. Les fumées mêlées des plats vapeur et des cigarettes d’eucalyptus dirigèrent le regard de Pedro vers son destin.
Elle était là, vivante, à cette table ; elle irradiait au milieu des fantômes. Une apparition au sein de son univers familier. Qui est-tu ? Que fais-tu ici ?
Nico se retourna, l’interpella :
‘Ah ! Pedro ! Approche... Il faut que je te présente Justine, une amie... Justine, c’est Pedro, un vieux pote...’
‘Bonjour Pedro !’
‘B’jour...’
Pedro s’approcha, timidement, un sourire stupide lui pendouillait aux oreilles. Les yeux clairs et brillants de Justine ne pouvaient laisser aucun doute quant à sa joie de faire sa connaissance. Pedro prit place à la table. La dernière place restante se situait tout contre Justine. Il en prit très vite son parti.
‘Marie ! Un steak de soja, s’il te plaît...’
‘Quelle cuisson ?’
‘Saignant, merci.’
‘Tu veux des frites d’épinards avec ?’
‘Ouais, mais pas trop, je fais un régime...’
La serveuse s’en fut vers le fond de l’établissement d’un pas rapide et déhanché. Mais Pedro ne faisait pas attention à la serveuse. La douce fragrance des cheveux de Justine taraudait son esprit depuis quelques siècles.
‘Tu fais quoi dans la vie ?...’
Pedro osa pour la première fois tourner la tête et la regarder en face : des cheveux noirs, longs, très longs. Des yeux bleus, deux. Et ce sourire...
‘J’écris...’
‘A qui ?...’
Pedro marqua une pause.
C’est pas gagné, se dit-il en lui-même.
‘Heu, non, J’écris des histoires, des trucs que j’invente, quoi...’
‘Quand on écris, c’est toujours à quelqu’un.’
Pedro resta un long moment interdit. Il n’avait jamais pensé à cela auparavant. Dans le trouble de cet instant il se resservit une portion de frites d’épinards.
Il reprit :
‘Ouais, t’as peut-être raison, mais alors moi je sais pas à qui j’écris.’
‘Écris-moi quelque chose...’
Le tonnerre venait de retentir dehors, ou étaient-ce ses hormones ?...
‘Ou.. oui... Pourquoi pas .’
Marie amena les plats suivants. En silence, Pedro s’acharnait à vider la moitié du céleri en poudre sur son steak de soja. Le vacarme de la salle n’arrivait plus à ses oreilles ; son cœur avait pris le relais.
Nico lui attrapa le bras :
‘Hé ! arrête, on voit plus le steak !’
‘Hein ?!’
Justine parlait déjà avec quelqu’un d’autre. Pedro pensait déjà à ce qu’il allait écrire. Le steak était déjà froid. Pedro se tourna vers Justine et l’interrompit :
‘T’as le téléphone chez toi ?...’
Les yeux calmes et forts de la Jeune femme lui fournirent dans l’instant son sujet.

II

Pedro descendait en sifflant la longue rue piétonne qui menait chez Justine. Dans sa main les feuillets de papier blanc lui brûlaient les doigts. Cette fois il allait lui dire...
Il monta quatre à quatre les marches du long escalier de bois ciré. Sonnette ; bruits de pas lents et sourds ; la porte s’ouvre doucement. Justine offre à Pedro un visage effondré et couvert de larmes. Tout de suite il la prend dans ses bras. Elle se laisse faire :
‘Que se passe-t-il ?’
‘Alan vient de me quitter...’
Pedro se raidît soudain. Il recula légèrement
‘C’est qui celui-là ?’
‘C’est mon mec...’
Les murs de l’appartement commencèrent à se refermer sur lui. Un étouffement subit.
‘C’est pas grave, je suis là, maintenant.’
On ne sait jamais...
‘T’es gentil mais c’est pas pareil... comment je vais faire sans lui... Je l'aime...’
Pedro mit ses mains dans ses poches. Il chercha refuge auprès d’un canapé opportunément placé près de lui. Il balança négligemment sa prose sur la table basse.
‘Tiens, c’est une autre histoire. T’avais bien aimé la première...’
‘Ah. Laisse-la là, je la lirai plus tard.’
Elle rechercha un Kleenex au fond de sa poche et se moucha bruyamment. Pedro restait impassible.
Un imprévu...
‘Tu fais quelque chose ce soir ?’, lui demanda-t-il en s’allumant une cigarette.
‘Nan, j’ai pas le moral. Ce soir, je crois que j’vais rester chez moi.’
Bon. Pedro tenta une autre approche :
‘Si tu veux je peux rester avec toi. Dans ces moments là...’
‘Non, merci j’préfère être seule.’
Bon.
‘Bon, bah j’vais y aller, hein ?’
‘Ouais, à plus...’
Pedro s’en fut dans l’obscurité du couloir, fier et désespéré. Par la fenêtre de la cage d’escalier, il pouvait apercevoir le soleil couchant. Il s’imagina sur son cheval pie, le Stetson bien enfoncé sur les sourcils, prêt à affronter la poussière du bush. Ça ne pouvait pas être la fin de l’histoire.
Pas déjà...

III

Pedro faisait face depuis plusieurs minutes à son téléphone. La lumière pénétrait à grand’peine dans la pièce, escaladant les persiennes, rampant jusqu’au mobilier. Des rais de lumière blafarde se dessinaient sur le combiné en plastique blanc.
Pedro s’en saisit soudain et le colla sur sa joue mal rasée. Il composa rapidement le numéro de Justine.
‘Allô ?’
‘Justine ? C’est Pedro...’
‘Comment ça va ?...’
Le ton enjoué de Justine résonna à ses oreilles comme une sentence.
‘Ça va, ça va... Je t’appelle parce qu’il fallait que je te dise des choses importantes. Tu sais...’
‘Moi aussi !’
‘ … ’
‘Moi aussi j’ai un truc super important à te dire !’
Pedro avala sa salive. Doucement.
‘Vas-y...’
‘Alan est revenu !’
Sang-froid. 23h16. Pedro allume son trente-neuvième clope de la journée. Il pose son briquet ; prend une grande inspiration :
‘C’est chouette, ça !...’
Pedro faisait ce qu’il pouvait pour être crédible...
‘Terrible... On doit se voir demain au Royal Navet, j’espère que tu y seras aussi...’
Le visage de Pedro se ferma.
‘Je n’y manquerai pas .’
‘Génial ! comme ça je vous présenterai...’
Pedro raccrocha doucement. Quelque chose de différent dans son regard. Il croqua une carotte apéritif ; recracha avec dégoût. La carotte éconduite décrit alors une large parabole jusqu’à la poubelle. Certaines choses allaient changer.

IV

Les passants couraient vers leur futur, quelque part entre St Michel et Pluton. Justine les regardait fébrilement au travers de la fenêtre du restaurant légumivore. Elle avait pris un jus de mangue, pour une fois, mais elle n’arrivait pas à en sentir le goût. De toutes façons, rien ne passait.
Un grincement la fit sursauter : Sybille avait tiré une chaise et s’asseyait face à son amie.
‘Alors ?’
‘Toujours rien.’
‘ Depuis quinze jours, c’est bizarre… Il a peut-être été dans sa famille, il a pas eu le temps de t’appeler, ou alors…’
‘Te fatigues pas. Il a pas été en voir une autre, je le sais. Il m’aurait pas laissé comme ça, sans un mot… Non, il lui est arrivé quelque chose, je le sens.’
‘Tu dramatises tout… c’est pas la première fois qu’il se barre.’
‘J’te dis que je l’sens ! J’ai peur…’
‘Tiens, voilà Pedro ! Peut-être qu’il sait quelque chose, lui.’
‘Ça m’étonnerait, ils se connaissent pas.’
Pedro se dirigea d’un pas alerte vers le fond du restaurant où se tenaient les deux jeunes femmes.
‘Salut les filles !’
Sybille se tourna pour l’embrasser :
‘Ça fait un moment qu’on t’a pas vu !’
‘J’ai trouvé un super restau. Ils font un de ces T-bone, j’te dis même pas…’
Sybille écarquilla ses petits yeux noisette :
‘Tu manges de la viande, maintenant ?!’
‘J’en avais marre de la verdure. Tu sais que vous ratez quelque chose.    Une bonne viande bien saignante…’
‘Tu reviens ici pour quoi, alors ?’, l’accusa tout à coup Sybille.
‘Pour vous voir, tiens ! Ça va Justine ? t’as pas l’air dans ton assiette…’
Justine baissa la tête. Elle avait suivi la conversation sans mot dire. Sybille la regarda puis reprit :
‘Elle est sans nouvelles d’Alan depuis deux semaines, alors elle flippe. Tu saurais pas où il est, des fois ?…’
‘J’le connais même pas .’
‘Tu vois, qu’est-ce que j’te disais ?!’
‘On sait jamais…’
Sybille commanda une banane pressée. Rien de tel qu’un p’tit remontant…
Justine s’était redressée et regardait maintenant Pedro. Une expression fugitive avait capté son attention ; un petit rien, mais quoi…
‘Tu vas bien Pedro’, fit-elle d’une voix douce.
‘Super, et toi ?’
Justine eut un sourire gêné.
‘Ah oui, pardon, j’oubliais… Allez, faut pas t’en faire pour un mec. Si ça te dit, ce soir, je t’emmène danser, tu veux ?’
‘J’sais pas trop…’
Sybille prit les mains de Justine.
‘Allez, accepte, ça te fera du bien… Aie confiance en une vieille amie.’
Le sourire bonasse de Sybille eut raison de ses dernières réticences.
‘Bon d’accord. On va où Pedro ?’
Le regard de Pedro restait capté par ces quatre mains féminines entremêlées. Sa mine joviale avait perdu de sa jovialité.
Justine s’en rendit compte et retira ses mains.
‘Pedro ?’
‘Oui ? ’
‘On va danser où ?!’
‘Heu… t’aimes la salsa ?’
‘Moyen…’
‘Cool. J’passe te prendre à huit heures…’

V

Le "timbales" s’énervait au fond de l’orchestre tandis que Pedro se déhanchait rageusement face à Justine. Elle essayait tant bien que mal de suivre les pas étranges que pratiquaient ses voisines de piste. Pedro lui faisait sans cesse de grandes œillades. Gênée, elle tournait sans cesse la tête vers le bar. Pedro la prit soudain par le bras :
‘T’as soif ?’
‘Heu… Oui, tiens, un p’tit verre…’
Elle s’empressa de rejoindre un tabouret idéalement placé dans un coin du bar. Pedro arriva peu après, une main sur le zinc, l’autre sur sa jambe. Elle tressaillit.
‘Tu… peux enlever ta main, s’il te plait ?’
Son regard fixe surprit Pedro :
‘Justine, si tu savais tout ce que je ressens pour toi, tu me rend fou, tu…’
‘Pas moi. Enlève ta main — Barman ! un Bloody Mary !...’
Pedro enleva sa main doucement et s’en servit pour héler le barman.
Si ?’
‘Dos Bloody Mary, por favor...’
‘Bueno !…’
Justine prit une grande inspiration.
‘Pedro…’
‘Oui ?’
‘Pedro, j’t’aime bien mais, au cas où t’aurais pas remarqué, j’ai un mec. Et puis de toutes façons, pour moi, t’es un ami, un ami sincère, enfin j’croyais…’
‘Ton mec — tu parles d’Alan ?’
‘Oui, bien sûr…’
‘Bon... allez, on rentre…’
‘Et mon Bloody Mary ?!!’
‘Laisse tomber le Bloody Mary…’
Justine regarda s’éloigner Pedro avec une sensation de malaise. Si elle avait pu se douter…

VI

‘Salut Marie !’
‘’lut Nico !…’
‘Dis-moi, t’a vu du monde, ces derniers temps ? J’vois plus personne, ici…’
‘Non, c’est vrai, ya pu grand’monde de votre bande ces jours-ci… Y son p’têt’ tous devenus carnivores, comme ton pote Pedro !’
‘Nan, tu déconnes… Et puis, ils m’auraient appelé, quand même.’
Marie continua à astiquer des tables désespérément propres sans lui répondre. Après quelques instants d’attente il se décida pour sa place habituelle, face au mur.
La porte du restaurant s’ouvrit sur le visage livide de Justine. Elle s’assit à la table.
‘Ah ! Justine, ça fait plaisir… J’croyais que vous étiez tous morts !’
Brusquement, Justine s’écroula, en larmes, sur la table marquée par des années de diète légumière.
Nico mit ses mains sur celles de Justine.
‘Qu’est-ce que j’ai dit ?’
Justine continua à sangloter…
‘J’vous sers quoi ?’, dit la serveuse en arrivant vers eux. Nico lui jeta un regard entendu :
‘Marie, tu peux revenir toute à l’heure, s’il te plaît ?’
‘Ok !’
Elle s’en fut de son habituel pas rapide et déhanché. Nico, lui, prit le temps de l’observer. Les habitudes…
‘Allez, dis-moi. Qu’est-ce qui va pas ?...’
‘Mes amis... tous mes amis... d’abord Alan et puis tous les autres... ils m’ont tous abandonnée !’
‘C’est qui les autres ?’
‘Sybille, Kiko, et même Yann, mon plus vieil ami... Tu les a vus récemment ?...’
‘Bah, non... non. Justement j’en parlais avec Marie et...’
‘Ya plus que Pedro qui me voie régulièrement.’
‘Bah, tu vois, quand même...’
‘J’le connais à peine.’
‘Ah...bon... bon, bon. De toutes manières, tout ça ne nous dit pas où sont passés les autres. C’est plus le Royal Navet, C’est le Navet Spacial !... A croire que les légumes ont plus la cote.’
Nico enfila d’une traite son jus de pomme.
« C’est pas drôle tous les jours d’être végétarien », se dit-il enfin.
Il observa à nouveau Justine : elle ne bougeait plus. Son regard était figé sur un point situé derrière Nico. Intrigué, il se retourna.
Pedro se tenait à quelques mètres de la table, immobile, lui aussi. Nico eut d’abord du mal à le reconnaître. Son ami avait un regard fou, lointain. Sur son front était tracé à la hâte un signe cabalistique couleur de sang. Il s’approcha et s’assit face à Justine : il lui prit ses mains. A l’étonnement de Nico, celle-ci avait maintenant un sourire béat et le couvait des yeux. Son visage avait lui aussi changé et affichait ce même regard lointain qu’il avait vu sur Pedro.
Nico n’existait plus. Arrivé à cette conclusion, il quitta les lieux, rejoignit l’univers connu. Décidément, cet établissement devenait bien difficile à fréquenter...
Justine resta seule avec Pedro, au milieu du monde. Un halo les unissait. Pas un mot, pas un mouvement.
Pedro se leva et entraîna Justine par la main vers le dehors. Pour la première fois, elle se laissa faire doucement...

VII

Pedro venait enfin de s’endormir. Justine n’y croyait plus. Les assauts répétés de son nouvel amant, pourtant source de plaisirs, lui laissaient un écho animal qui la dérangeait.
Il l’avait léchée, mordillée, pénétrée ; en tous sens, en tous points de son corps ; sans relâche et sans faiblir. Jusqu’à l’épuisement. Jusqu’à en crier.
Justine se leva doucement. Elle avait faim. Elle descendit avec précautions l’escalier de l’hôtel particulier où résidait Pedro. Le bois antique craquait sous ses pieds nus. Elle se dirigea vers la vaste cuisine qui mobilisait la moitié du rez-de-chaussée. Sur chaque mur, des rangées d’ustensiles cuivrés se tenaient en rangs serrés, attendant les ordres. Sous chacun d’eux, couteaux, hâchoirs, machettes étincelaient dans la lumière de la Lune.
Justine alluma la lumière : les lames étaient encore tâchées de sang.
« Une maison de carnivore », pensa-t-elle.
Elle chercha dans le frigo quelque chose de comestible : de la viande, encore de la viande...
Une seule porte restait inexplorée, derrière une lourde chaise. Elle s’employa à la déplacer, sans trop faire de bruit.
Ouverture...
Pas de lumière dans la pièce sombre et froide. Justine se saisit d’une boîte d’allumettes, en craqua une et la promena dans l’obscurité.
Elle ne crut d’abord pas à ce qui se présentait à ses yeux.
De longues pièces de viande noircie s’étiraient du plafond, suspendues à des esses rouges. Des quartiers entiers reposaient sur des étagères. Elle s’arrêta sur un épais tas de linges déchirés et tachés de sang, étalés sur le sol.
Elle ne voulait pas tourner la tête et voir ce qu’elle entr’apercevait à la limite de son champ de vision.

Des têtes, des têtes, des têtes...
Blanchies, figées, ébouriffées, griffées de tous côtés et balancées, ça et là, pêle-mêle.

Elle reconnut ses amis, un par un : Kiko, Sybille, Yann, et Alan, Alan...
Des morceaux de corps étaient en parties arrachés, décharnés, séparés en éléments de boucherie.
Alan, lui, était encore presque entier. Tout désarticulé, il gisait dans une posture ridicule, au fond de la pièce.
Justine ne cria pas, ne bougeai pas, ne respirait plus. Le froid l’engourdissait peu à peu. Le froid ?
‘Maintenant, tu sais.’
La voix de Pedro lui parvint déformée. Elle sentit son âme prendre congé, tout doucement...
Sans se retourner, elle articula :
‘Tu les as... mangés... tous...’
‘Nan, pas Alan. Note, j’ai bien essayé mais, tu sais, la viande qu’a couru, c’est pu bon à grand’chose...’
‘Mangés... tous... mangés...’.
Justine souffla ces mots d’une voix blanche et pâle.
Pedro attrapa un couteau, trancha un morceau dans un jambon pendu à côté de lui et commença à le mâchonner nerveusement.
‘Bon ! on reprend un peu de forces et on y retourne...’
Justine ne l’entendait pas.
‘C’est pour cela que j’ai été soudain si attirée vers toi. C’est eux que je sentais en toi. Ils vivaient tous en toi, m’aimaient à travers toi...’
‘Ah ! Je m’en serais donné du mal pour t’avoir... Allez, viens on remonte.’
Pedro se saisit d’elle et la tira violemment vers lui. Justine se retourna brusquement et, le regard chargé de haine, se jeta sur celui qui avait charcuté sa vie.
Elle vint s’empaler sur le couteau ; s’affala comme un paquet de linge propre sur les pieds de Pedro.
Il resta plusieurs minutes à regarder ainsi Justine, clignant des yeux, mâchonnant sa viande. Son visage désormais dépourvu de toute expression.

VIII

Pedro avait installé des chandeliers sur la table dressée de la salle à manger. Ce soir, c’était fête : il dînait avec son amoureuse. Il s’en fut quelques instants dans la cuisine, puis revint en chantonnant, un plat fumant entre les mains. Il le posa au centre des couverts.
Pedro fit le tour de la table et remit en place le col de Justine. Son visage portait encore l’expression de haine qui s’y était inscrite pour toujours.

Deux couverts.
Un seul plat.
Pas un mot.

Pedro s’assit, se servit et porta la bouchée de viande chaude et parfumée à sa bouche. Il s’arrêta. Il observa la bouchée quelques instants :
‘On est ensemble pour toujours... pour toujours...’
Il mit la fourchette dans sa bouche et mâcha longuement face à son invitée.

Sur le corps de Justine, il manquait déjà un bras...


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